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le fondateur du positivisme

plus pur qu’alors, et même plus tendre, sans être moins ardent[1] ? » La pauvre femme se défendit, puis finit par céder l’ombre d’une promesse. Elle était mourante. Dans son agonie elle regretta, nous dit Comte[2] de « n’avoir pas accordé » à l’amour « un gage ineffable ». « Ce regret spontané », ajoute le philosophe que l’amour avait transformé en prêtre et en poète, « me laissera toujours un souvenir plus précieux que n’aurait pu l’être désormais la mémoire trop fugitive d’une pleine réalisation[3]. »

Le 5 avril 1846, après un an d’intimité, Clotilde de Vaux s’éteignit. Elle ne mourut pas. Elle entra dans « l’immortalité subjective ». Vivant toujours et vivant mieux dans la mémoire d’Auguste Comte, elle s’incorpora par lui au Grand-Être, qui ne doit jamais l’oublier.

Un tel oubli n’est pas possible. L’Humanité ne saurait oublier que, par cette femme, le philosophe qui formula le positivisme prit une conscience entière de ses aspirations et des aspirations du genre humain. Quelque exagéré que paraisse un tel langage, qui résume celui de Comte, il est de fait que l’amour de Clotilde alluma chez le philosophe de nouvelles lumières et qui grandirent chaque jour. Le système gagna en étendue, en cohérence, en profondeur. Le sentiment y aviva le discernement, et cette dernière faculté devint ainsi plus prompte à saisir dans toutes les choses

  1. Testament. Lettre du 5 décembre 1845.
  2. Testament. Confession annuelle de 1847.
  3. Ibid.