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auguste comte

aimer encore ; mais enfin elle n’aimait point et n’était pas femme à se donner sans amour.

Son intelligence était digne du philosophe. Comte s’exagérait la valeur des compositions littéraires, prose ou vers, qu’elle lui avait communiquées, mais nous pouvons citer des maximes touchantes tombées des lèvres ou de la plume de Clotilde, celle-ci notamment fort belle : « Il est indigne des grands cœurs de répandre le trouble qu’ils ressentent. » Elle avait éprouvé l’influence comtiste et le montrait, en écrivant, par exemple, de la société : « Ses institutions sont respectables, comme le labeur des temps. » Mais une influence aussi pure ne contentait pas le philosophe, dévoré, brûlé d’autres feux. Sa disgrâce, qui serait plaisante au théâtre, fait songer dans le livre aux gémissements les plus pathétiques. On oublie le lai d’Aristote ; l’on ose même rêver de la Vie nouvelle. Le P. Gruber, dans son excellente biographie de Comte, plaisante le pauvre docteur : « Il est malheureux lorsqu’une lettre éprouve un léger retard à la poste. Il numérote toutes les lettres ; il les conserve comme des reliques ; il les relit sans cesse pour mieux goûter ce qu’elles renferment. » Le R. P. Gruber en parle à son aise. Comte n’est pas si ridicule ! La rigueur même des formules qu’il emploie pour se définir à lui-même ses épreuves ne peut éveiller qu’un sourire compatissant, lorsque, par exemple, il rassure Mme de Vaux sur les sentiments qu’il lui a voués : « À vingt ans, dit-il, je vous eusse respectée comme une sœur… Pourquoi serais-je aujourd’hui moins délicat, puisque je suis au fond