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l’ordre positif d’après comte

Peut-il sentir comme il le doit ? Un être comme l’homme, qui est éminemment social, c’est à-dire qui tire presque tout ce qu’il est de la société, sa substance et son milieu, un être qui ne vit que d’autrui et par autrui, peut-il vivre aussi en autrui et pour autrui ? Peut-il vivre de plus en plus hors de lui-même ? On ne saurait nier qu’il y prenne souvent plaisir et que le désintéressement, le dévouement et le sacrifice appartiennent au genre humain. Les pouvoirs naturels de l’homme vont certainement jusque-là. Il y eut de tout temps, partout, sous toutes les disciplines de morale ou de religion, des esprits et des cœurs, dont le naturel atteignit au sublime quand ils se renonçaient eux-mêmes et préféraient autrui. Mais, comme dit Comte, « le saint problème humain » consiste à « instituer » d’une manière continue et permanente, d’une manière « habituelle », cette « prépondérance », ordinairement temporaire et accidentelle ou fort exceptionnelle « de la sociabilité sur la personnalité ». Il s’agit de subordonner constamment « l’homme à l’humanité », de perfectionner l’homme en le rendant plus digne de lui, plus humain.

Comment faire ? C’est là un problème nouveau. La sociologie a fait saisir sur le fait la nature éminemment sociable de l’homme ; la morale vient de préciser quelle est la règle qui doit prévaloir pour développer le meilleur élément, l’élément sociable de la nature humaine. Grâce à ces deux sciences, nous connaissons ce qu’il faut faire. Reste à fonder la pratique. Reste à découvrir les moyens d’assurer l’avantage