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chasses et voyages au congo

de capitale qu’on lui a jusqu’à présent fait jouer. Nous descendons le fleuve jusqu’à son enbouchure ; devenant toujours plus large, il continue à rouler ses eaux d’un jaune sombre, qui jusque dans la mer conserveront cette couleur spéciale, le faisant reconnaître des marins encore à 50 kilomètres de son estuaire. Les rives s’éloignent peu à peu ; à droite nous distinguons encore des baobabs géants inutilisables, paraît-il, car leur bois ne vaut rien, puis une forêt de palétuviers gigantesques (ô Loti), qui a l’air énorme, et n’est qu’un rideau d’arbres ; nous touchons à Banane où le pilote nous quitte, et maintenant c’est l’adieu définitif au Congo, et le retour en Europe qui commence : au loin un ciel d’encre ferme l’horizon du côté portugais, et je pense mélancoliquement que l’Afrique met un voile de deuil pour pleurer notre départ…

Comme presque tous les bateaux qui quittent la Colonie, le nôtre est gai dans son ensemble, car la plupart des passagers sont heureux de rentrer au pays, mais il y a les malades, et ceux qui n’ont pas supporté le climat, et ceux hélas ! qui n’arriveront plus jusque chez eux, car la règle du bateau est impitoyable, et l’on immerge sans distinction ceux que la mort surprend en cours de route…

Je ne sais pourquoi parfois de sombres pressentiments viennent m’assaillir ; songes ou cachemars, je pense à des rêves effrayants qui surgissent sans raison de mon subconscient. Quand à cause d’une fenêtre restée ouverte on a eu froid pendant son sommeil, au moment de s’éveiller, on a un rêve absolument étranger à la situation actuelle où l’on se trouve, mais l’on assiste à un drame, dans lequel pour une raison quelconque on sent le froid. De même à la chasse sous la tente, si vous entendez un bruit qui vous réveille à moitié, rugissement du lion ou rire de la hyène, vous avez un cauchemar de combats fantastiques avec des fusils qui ratent ou se transforment en bâtons ce qui généralement vous fait réveiller en sursaut.

Ainsi les pensées, les préoccupations, les lectures et les