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chasses et voyages au congo


Dimanche, 6 janvier.

Dans le silence absolu et le repos d’un dimanche après-midi j’écris les réflexions que me suggère la vue des passants qui devant nos tentes arpentent la grand’route. C’est amusant de voir nègres et négresses habillés et endimanchés comme les paysans et ouvriers de chez nous. Les jeunes garçons sont mis à l’Européenne avec pantalons clairs et chemises à lignes ou à ramages, un chapeau de paille fièrement campé sur leurs cheveux noirs ; les femmes n’ont pas encore tout à fait adopté la dernière mode de Paris, mais elles sont persuadées qu’il n’y manque plus grand’chose, quant au bazar arabe elles ont été acheter à chers deniers, des cotonnades éclatantes, fabriquées exprès pour elles dans, les ateliers de Saint-Nicolas ou de Birmingham et qu’il est impossible de se procurer en Europe. Spécialement les ménagères pour Européens rivalisent d’élégance, et quand elles vont se rendre visite chez leurs seigneurs et maîtres, elle déploient un luxe de toilette et une richesse de tenue, qui fait honneur à la bourse de leurs légitimes propriétaires. Mais soit dit en passant, le rôle de la ménagère au Congo, prend un caractère un peu trop officiel, et menace de devenir une tare sérieuse, car à force d’avoir des faux ménages avec des personnes de couleur, les jeunes gens qui vont s’établir là-bas, perdront le goût d’emmener avec eux des femmes de leur pays. Je ne suis certes pas rigoriste, mais j’avoue avoir été choqué du sans-gêne avec lequel le Blanc au Congo étale sa vie irrégulière avec les noires. Jamais dans une colonie anglaise on n’assisterait à spectacle pareil car l’Anglais a de lui-même un trop grand « self-respect » pour avouer publiquement ses rapports intimes avec les indigènes. Et outre la morale qui est ici offusquée, j’y vois un réel danger pour l’avenir de la Colonie, car le noir perd peu à peu toute considération pour le blanc, qu’il arrive à ne plus regarder comme son maître, mais comme