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V


Mais aujourd’hui, cela ne me paraît plus suffisant. Je ne crois pas qu’un poème doive sacrifier sa beauté à un enseignement moral, mais si, tout en ne perdant rien de ce qui l’orne au dedans comme au dehors, il nous mène à des vérités aussi admissibles mais plus encourageantes que la vérité qui ne mène à rien, il aura l’avantage d’accomplir un double devoir incertain. Chantons durant des siècles, la vanité de vivre et la force invincible du néant et de la mort, nous ferons passer sous nos yeux des tristesses qui deviendront plus monotones à mesure qu’elles se rapprocheront davantage de la dernière vérité. Essayons au contraire de varier l’apparence de l’inconnu qui nous entoure et d’y découvrir une raison nouvelle de vivre et de persévérer, nous y gagnerons du moins d’alterner nos tristesses en les mêlant d’espoirs qui s’éteignent et se rallument. Or, dans l’état où nous sommes, il est tout aussi légitime