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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

la matière. Soit, elles ont charge de ce genre de bonheur. Mais qu’elles ne prétendent pas que pour y arriver il soit nécessaire de jeter à la mer, comme un poids dangereux, tout ce qui formait jusqu’ici l’énergie héroïque, sourcilleuse, infatigable, aventureuse de notre conscience. Laissez-nous quelques vertus de luxe. Accordez un peu d’espace à nos sentiments fraternels. Il est fort possible que ces vertus et ces sentiments qui ne sont pas strictement indispensables au juste d’aujourd’hui, soient les racines de tout ce qui s’épanouira quand l’homme aura fait le plus dur de l’étape de la « lutte pour la vie ». Il faut aussi que nous tenions en réserve quelques vertus somptueuses, afin de remplacer celles que nous abandonnons comme inutiles ; car notre conscience a besoin d’exercice et d’aliments. Déjà nous avons dépouillé bien des contraintes assurément nuisibles, mais qui du moins entretenaient l’activité de notre vie intérieure. Nous ne sommes plus