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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

parties les plus claires et les plus généreuses de notre intelligence. Il y aurait à citer mille exemples ; je n’en prendrai qu’un seul, celui qui est au centre de toutes nos inquiétudes, et à côté duquel tout le reste n’a plus d’importance, celui qui, lorsque nous parlons ainsi de morale haute et noble et de vertus parfaites, nous interpelle comme des coupables pour nous demander brusquement : « Et l’injustice dans laquelle vous vivez, quand y mettrez-vous fin ? »

Oui, nous tous qui possédons plus que les autres, nous tous qui sommes plus ou moins riches, contre ceux qui sont tout à fait pauvres, nous vivons au milieu d’une injustice plus profonde que celle qui provient de l’abus de la force brutale, puisque nous abusons d’une force qui n’est même pas réelle. Notre raison déplore cette injustice, mais l’explique, l’excuse et la déclare inévitable. Elle nous démontre qu’il est impossible d’y apporter le remède efficace et rapide que cherche notre équité ; que tout