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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

sent que notre vie matérielle semble sur le point de se fixer et de s’assurer, est-ce une raison pour que cette faculté cesse de nous précéder ou pour la faire rétrograder vers le bon sens ? N’y aurait-il pas, au contraire, de très sérieux motifs de la pousser plus avant, afin de rétablir les distances normales et l’avance proportionnelle ? Est-il juste que nous perdions confiance en elle ? Peut-on dire qu’elle ait empêché un progrès humain ? Peut-être nous a-t-elle plus d’une fois trompés ; mais ses erreurs fécondes, en nous forçant à faire du chemin, nous ont révélé plus de vérités, dans le détour, que n’en eût jamais soupçonné le piétinement sur place du bon sens trop timide. Les plus belles découvertes, en biologie, en chimie, en médecine, en physique, sont presque toutes parties d’une hypothèse fournie par l’imagination ou la raison mystique, hypothèse que confirmèrent les expériences du bon sens, mais que celui-ci, adonné à d’étroites méthodes, n’eût jamais entrevue.