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sur ce plan, avec une précision mathématique. Prends cette règle et ce crayon, et, conformément aux instructions de M. Montessieux, tire une ligne qui va du pilier désigné au saule central actuel. »

Béchoux obéit, et Raoul continua :

— Bien. Maintenant, tout en gardant le bas de la règle au pilier, fais-la pivoter à gauche, dans le haut, de manière à atteindre le tertre. Parfait. Retire ta règle. Tu as ainsi dessiné un angle aigu qui part du pilier, et dont les deux branches se dirigent, l’une à gauche, vers l’emplacement primitif des trois saules, l’autre à droite vers l’emplacement actuel. Dans l’ouverture de ce compas s’étend une bande, un fuseau de terrain, si tu veux, qui, selon qu’on adopte le plan initial de M. Montessieux ou le plan rectifié clandestinement, appartient au lot numéro 1, c’est-à-dire aux propriétaires du manoir, ou bien au lot numéro 2, c’est-à-dire aux propriétaires du pavillon de chasse. Comprends-tu ?

— Oui, dit Béchoux, que l’argumentation de Raoul semblait soudain captiver.

— Donc, repartit Raoul, voilà un premier point élucidé. Passons au second. Que contient ce fuseau de terrain ?

— Les roches, dit Béchoux, la moitié de la Butte-aux-Romains, la partie de la gorge étroite où coule la rivière, l’île, etc.

— C’est-à-dire, formula Raoul, que le fuseau dérobé (car c’est un pur vol), englobe approximativement toute la rivière, durant son évolution dans le domaine, et que, en définitive, M. Montessieux désirait laisser le cours de cette rivière à ses héritiers du manoir, et qu’il la laisse contre son gré à ses héritiers du pavillon de chasse.

— Donc, prononça Béchoux, tu prétendrais que toute la machination ourdie avait pour but le vol de la rivière au détriment d’une personne et au bénéfice d’une autre personne ?