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ranimer tant de jolis souvenirs, je découvris dans un coin du grenier où mon grand-père avait installé un petit laboratoire, avec table, fourneau à pétrole, cornues, etc., un carton à dessin et à épures, et parmi les feuilles éparses de ce carton, il y avait un plan topographique du jardin.

« Je me rappelai tout à coup. Ce plan, j’y avais collaboré, quatre ou cinq ans auparavant. Ensemble, grand-père et moi, nous avions pris des mesures, et relevé des cotes. Toute fière de la tâche que l’on me confiait, je tenais un des bouts de la chaîne d’arpentage ou le viseur à trépied, ou l’un quelconque des instruments nécessaires. Le résultat de nos travaux communs, c’était ce plan, que j’avais vu mon grand-père tracer, qu’il avait signé de sa main, et où je m’étais si fort amusée devant la rivière bleue et devant le point rouge du pigeonnier. Le voici. »

Elle déroula la feuille sur une table et l’y fixa par quatre épingles. Raoul se pencha.

Le long serpent bleu de la rivière passait sous l’esplanade d’entrée, se redressait, touchait presque à l’angle du manoir, s’évasait un peu à l’endroit de l’île, puis, brusquement, virait entre les roches et la Butte-aux-Romains. Les pelouses étaient dessinées, et de même le contour du manoir et celui du pavillon de chasse. Le mur à contreforts limitait le domaine. Un point rouge marquait le pigeonnier. Des croix fixaient l’emplacement de certains arbres, signalés d’ailleurs par leurs noms : le Chêne à la cuve… le Hêtre rouge… l’Orme royal.

Le doigt de Catherine s’était posé tout au bout du parc, sur la gauche, près du serpent bleu. Elle désignait une triple croix avec cette inscription à l’encre, de son écriture : les trois saules.

« Les trois saules, dit-elle sourdement. Oui, là, après les roches et après la Butte-aux-Romains…, c’est-à-dire à l’endroit où ils sont aujourd’hui… »