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— On a peut-être franchi le mur. Mais nous avions à Paris toutes les clefs, et, quand nous sommes revenues ici, aucune serrure n’était fracturée.

— Alors il est une explication qui se présente forcément à l’esprit, c’est que vous vous êtes trompée, et que les trois arbres ont toujours été où vous les avez retrouvés. »

Catherine tressaillit et protesta avec une vivacité excessive.

« Ne dites pas cela ! Non, ne faites pas une pareille supposition ! Je ne me suis pas trompée ! Je ne pouvais pas me tromper ! »

Elle l’entraîna dehors, et ils firent ensemble le trajet indiqué par elle. Ils remontèrent le cours de la rivière, laquelle coulait tout droit, perpendiculairement à l’angle gauche du Manoir, et ils suivirent la pente douce qui conduisait au petit tertre à travers des herbages que la jeune fille avait fait débarrasser de tous les fourrés. Le tertre ne portait aucune trace d’arbres arrachés ou déplacés.

« Examinez bien la vue que l’on a, et que j’avais d’ici, sur le parc. On le domine de douze à quinze mètres, n’est-ce pas ? et on le voit tout entier, ainsi que le manoir et que le clocher de l’église. Et puis, vous allez faire la comparaison. »

Le sentier devenait abrupt et passait par-dessus des roches, au milieu desquelles avaient pris racine des sapins dont les aiguilles s’amoncelaient sur le granit. Il y avait là un tournant brusque de la rivière qui coulait ainsi au creux d’un défilé, et une sorte de tumulus qui se dressait en face, sous un épais manteau de lierre, et qu’on appelait la Butte-aux-Romains.

Ils redescendirent ensuite jusqu’à la berge, à l’origine du défilé. Du doigt Catherine désigna les trois saules placés en éventail, ceux de droite et de gauche à égale distance de l’arbre central.