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répliquait pas quand il l’interrogeait sur certains faits. Ce ne fut qu’à la longue, et avec beaucoup d’adresse et de patience, qu’il la mit, pour ainsi dire, en besoin de confidence. Un jour, la sentant plus expansive, il s’écria :

« Allons, parlez, Catherine — ils étaient arrivés tout naturellement à s’appeler par leur petit nom — parlez comme vous aviez l’intention de le faire quand vous êtes venue me demander secours à Paris. Je me souviens des termes mêmes de votre appel : “Je sais qu’il y a autour de moi des choses incompréhensibles… et d’autres qui vont se produire et qui me font peur.” Eh bien, certaines de ces choses qui vous effrayaient d’avance, sans qu’il vous fût possible de les préciser, se sont produites. Si vous voulez écarter de nouvelles menaces, parlez. »

Elle hésitait encore, il lui saisit la main et son regard se posa si tendrement sur la jeune fille qu’elle rougit, et que, pour masquer son embarras, elle parla aussitôt.

« Je suis de votre avis, dit-elle. Mais j’ai gardé de mon enfance solitaire des habitudes, non pas de cachotterie, mais, de réserve et de silence. J’étais très gaie, mais en moi-même et pour moi-même. Quand j’ai perdu mon grand-père, j’ai vécu plus renfermée encore. J’aimais beaucoup ma sœur, mais elle s’était mariée et voyageait. Son retour m’a fait du bien, et ce fut pour moi une grande joie de venir habiter ici avec elle. Cependant il n’y eut pas, et il n’y a pas entre nous, malgré notre affection, l’intimité parfaite où l’on se détend et où l’on sent le bonheur d’être ensemble. C’était de ma faute. Vous savez que je suis fiancée, que j’aime de tout mon cœur Pierre de Basmes et qu’il m’aime profondément. Pourtant, entre lui et moi, il y a encore comme une barrière. Et c’est encore une conséquence de ma nature, qui ne se livre pas, et