Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

recueillit ces quelques mots qui revenaient plus souvent :

« Trois chaules, que je vous dis, ma belle demoiselle… trois chaules… et ch’est c’monsieur-là, que j’vous dis… et c’est à vous qu’il en a… il vous tuera, ma belle demoiselle… prenez garde…

— Elle a la berlue, ricana l’aubergiste, en s’en allant. Adieu, la mère Vauchel, tâchez moyen de dormir. »

Elle pleurait doucement, la tête toujours pressée entre ses mains tremblantes, et la figure douloureuse. En se penchant sur elle, Raoul vit qu’un peu de sang s’était coagulé entre les mèches grises. Il l’étancha avec un mouchoir trempé dans une cruche, et lorsqu’elle se fut assoupie, plus paisible, il retourna vers la clairière. Il lui suffit de se baisser pour retrouver, près du tas de feuilles, une grosse racine fraîchement coupée et qui formait massue.

« Nous y sommes, se dit-il, la mère Vauchel a été frappée, puis traînée jusque-là, ensevelie sous les feuilles, et laissée pour morte. Qui a fait le coup, et pourquoi l’a-t-on fait ? Doit-on supposer que c’est un seul et même individu qui mène l’intrigue ? »

Mais le souci de Raoul provenait des paroles qu’avait prononcées la mère Vauchel… « Ma belle demoiselle. » Cela ne concernait-il point Catherine Montessieux, Catherine rencontrée vingt-quatre heures avant par la folle, alors que la jeune fille errait dans ce bois en quête de son fiancé, Catherine qui avait pris peur de l’effroyable prédiction : « Il vous tuera, ma belle demoiselle… il vous tuera… » et qui s’était enfuie à Paris, pour lui demander secours, à lui, Raoul d’Avenac ?

De ce côté, les faits semblaient bien établis. Quant au reste des élucubrations, quant à ce mot incompréhensible des trois « chaules », répété par