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« Bizarre, se dit-il. Personne pourtant n’a pu venir ici depuis mon départ, puisque les domestiques avaient congé. Dois-je admettre que je n’ai pas éteint derrière moi lorsque je suis sorti tantôt ? »

D’Avenac était un homme à qui rien n’échappait, mais qui ne perdait pas son temps à chercher la solution de ces menus problèmes que le hasard nous pose, et que les circonstances se chargent presque toujours de nous expliquer le plus naturellement du monde.

« Nous fabriquons nous-mêmes nos mystères, disait-il. La vie est beaucoup moins compliquée que l’on ne croit, et elle dénoue elle-même ce qui nous paraît enchevêtré. »

Et, de fait, lorsqu’il eut franchi la porte qui se trouvait en face de lui, il ne fut pas surpris outre mesure d’apercevoir au fond de la pièce, debout, appuyée contre un guéridon, une jeune femme.

« Seigneur Dieu ! s’écria-t-il, voici une gracieuse vision. »

Comme dans le vestibule, la gracieuse vision avait allumé toutes les ampoules, préférant sans doute la pleine clarté. Et il put admirer, à son aise, un joli visage encadré de boucles blondes, un corps mince, bien proportionné, assez grand, et qu’habillait une robe de coupe un peu démodée. Son regard était inquiet, sa figure contractée par l’émotion.

Raoul d’Avenac ne manquait pas de prétentions, les femmes l’ayant toujours comblé de leurs faveurs. Il crut donc à quelque bonne fortune et accepta l’aventure comme il en avait accepté tant d’autres sans les avoir sollicitées.

« Je ne vous connais pas, madame, n’est-ce pas ? dit-il en souriant. Je ne vous ai jamais vue ? »

Elle fit un geste qui signifiait que, en effet, il ne se trompait point. Il reprit :