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Mais la promesse n’était qu’un piège. Le lendemain, quatre heures sonnèrent, et puis cinq…

Bertrande ne vint pas.

À sept heures, il reçut un pneumatique. Les deux sœurs lui annonçaient qu’elles avaient quitté Paris.

Raoul n’était pas homme à s’abandonner au désespoir ou à la colère. Il resta maître de lui, calme comme s’il n’avait pas reçu du destin le choc le plus douloureux. Il alla dîner dans un grand restaurant, se fit servir un bon repas, qu’il prolongea par un excellent havane, puis se promena sur les boulevards, la tête droite et le pas nonchalant.

Vers les dix heures, il entra, sans que son choix fût guidé par la moindre raison, dans un dancing populaire de Montmartre, et, dès qu’il eut franchi le seuil, s’arrêta stupéfait. Parmi les couples qui tournaient, il apercevait, fox-trottant, virevoltant, pleins d’allégresse et d’entrain, Charlotte et Béchoux.

« Nom d’un chien, grogna-t-il, ils en ont du toupet, ceux-là. »

Le jazz se taisait. Les deux danseurs rejoignirent leur table. Et, à cette table, se trouvait, devant trois verres et une bouteille de champagne entamée, M. Arnold.

À ce moment seulement, toute la colère, longtemps étouffée de Raoul, lui monta à la tête. Rouge, furieux, hors de lui, bien que se contenant encore, il marcha vers les trois coupables, d’un pas saccadé. Quand ils le virent, ils eurent tous trois, sur leur chaise, un mouvement de recul. Se reprenant aussitôt, Arnold affecta un sourire arrogant. Charlotte, elle, était pâle et défaillante. Béchoux se dressa comme pour défendre ses compagnons.

Raoul s’approcha de lui, et, son visage tout près du sien, il ordonna :