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entre la falaise et la butte, comme une cuve, comme un réservoir toujours plus élevé. Quand le flot s’immobilisa, quand la rivière commença à descendre, ce réservoir devait forcément se vider par toutes les issues possibles, c’est-à-dire par toutes les fentes, les excavations, les fissures, les lézardes qui trouaient la Butte comme un filtre. Résultat : en passant, l’eau entraîna à sa suite tout ce qui est poudre et menues paillettes. Et c’est cela que nous avons recueilli contre le barrage du tamis. »

Raoul se tut. L’étrange histoire apparaissait à tous dans sa réalité, au fond si simple et si logique, et nul d’entre eux ne pensait à émettre la moindre objection. Béchoux murmura :

« C’était là une cachette bien peu sûre… ce tumulus encerclé d’eau parfois.

— Qu’en savons-nous ? s’exclama Raoul. L’estuaire de la Seine a toujours subi de profondes transformations et, à cette époque, le tumulus se trouvait peut-être plus isolé, moins accessible aux fortes marées. Et puis on ne cache pas un trésor pour l’éternité : on le cache en faveur de quelqu’un qui en aura la jouissance et la surveillance, et qui agira selon les menaces non prévues. Mais souvent le secret, régulièrement transmis d’abord, finit par se perdre. L’emplacement exact du coffre-fort n’est plus connu, et pas davantage le mot qui ouvre la serrure. Rappelez-vous les trésors des rois de France enfermés dans l’Aiguille d’Étretat[1]. Rappelez-vous les trésors religieux du moyen âge ensevelis près de l’abbaye de Jumièges[2]. De tout cela que restait-il ? Des légendes qu’un esprit plus avisé que d’autres a converties, un jour, en réalités. Eh bien,

  1. L’Aiguille creuse.
  2. La Comtesse de Cagliostro.