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sur la cuisinière et lui parla tout bas, avec des gestes où il y avait de la menace, des reproches et du désespoir.

Elle haussa les épaules et sembla lui répondre par une insulte dédaigneuse qui le mit hors de lui. Raoul le calma.

« Défais ses liens, mon vieux Béchoux. Ta pauvre amie n’a pas l’air à son aise. »

Béchoux défit les deux courroies qui serraient les poignets. Mais, aussitôt libérée, Charlotte tomba à genoux devant Bertrande et recommença ses lamentations.

« Je n’y suis pour rien, madame. Que madame me pardonne !… Madame sait bien que c’est moi qui ai sauvé M. d’Avenac… »

Béchoux se redressa brusquement. Dans son désarroi, l’argument lui semblait irréfutable et le soulevait d’une force imprévue.

« Mais c’est vrai ! De quel droit vient-on nous dire que Charlotte est coupable ? Et puis, coupable de quoi ? Car, après tout, quelles preuves a-t-on contre elle ? et quelles preuves aussi a-t-on contre Arnold ? Ou plutôt, quelles charges ? De quoi les accuse-t-on ? »

Béchoux, comme on dit, reprenait du poil de la bête, à mesure qu’il pérorait. Il s’excitait, provoquait, gagnait du terrain, et, tourné vers Raoul, attaquait son adversaire en face.

« Oui, je te le demande, de quoi l’accuses-tu, cette malheureuse ? De quoi même accuses-tu Arnold ? Tu les as surpris au bord de l’eau, à la Barre-y-va, tandis qu’ils devaient être dans le train de Paris… Et après ? S’ils ont préféré retarder leur départ d’un jour, est-ce un crime ? »

Bertrande hochait la tête, impressionnée par la logique de Béchoux, et Catherine murmura :

« J’ai toujours connu Arnold… Grand-père avait toute confiance en lui… Comment imaginer que