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Il lui dit très bas, en contemplant les lèvres qui frissonnaient :

« Votre bouche n’est pas faite pour le désespoir… Il faut sourire… sourire et ne pas avoir peur… Nous chercherons ensemble.

— Oui, ensemble, dit-elle ardemment. Près de vous, je suis si apaisée. Je n’ai confiance qu’en vous… En dehors de vous, personne ne peut m’aider… Je ne sais pas ce qui se passe en moi…, mais il n’y a plus que vous… il n’y a plus que vous… Ne m’abandonnez pas… »


X

L’HOMME AU GRAND CHAPEAU


Le sieur Fameron revint de Rouen beaucoup plus tôt que ne l’avait calculé Raoul. Dévalisé par un de ses camarades de ripaille, il prit possession, sur la route de Lillebonne à Radicatel, de la petite maison qu’il s’était préparée, au cours d’une longue vie de privations et de droiture, et se coucha, ce soir-là, avec la conscience satisfaite d’un homme qui n’a pas dans sa poche un sou qu’il n’ait gagné en dehors de son honnête travail.

Il fut donc surpris d’être réveillé, en pleine nuit, par un individu qui lui lançait dans les yeux un jet de lumière, et qui lui rappela certain épisode assez confus de sa joyeuse vie de fêtard.

« Eh bien, quoi, Fameron, on ne reconnaît pas son vieux camarade de Rouen, l’ami Raoul ? »

Il se leva sur son séant, effaré et pantois, et bredouilla :