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tait la conscience du bonhomme. Le lendemain matin, le sieur Fameron le relançait ici — derniers scrupules, instructions à recevoir, on ne pourrait le préciser. Après le déjeuner, M. Guercin se promenait dans le parc, traversait la rivière, poussait une pointe vers le pigeonnier, ouvrait la porte…

— …Et recevait une balle en pleine poitrine, qui le tuait net, interrompit Béchoux, d’une voix forte, en se levant, les bras croisés, l’attitude provocante. Car, enfin, c’est à cela qu’aboutit toute ta démonstration !

— Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Béchoux répéta, de la même voix ardente et triomphante :

« …Et il recevait une balle en pleine poitrine, qui le tuait net ! Ainsi M. Guercin serait l’âme du complot ; il aurait dérobé le testament ; il aurait transplanté trois arbres ; il aurait cambriolé mille mètres de ce jardin ; il aurait remué ciel et terre, et non seulement ce n’est pas lui qui, complétant son œuvre, aurait tendu le piège suprême, mais c’est lui, au contraire, qui aurait été la victime de ses propres embûches ! Et voilà tout ce que tu nous proposes. Et tu voudrais me faire gober, à moi, Béchoux, à moi le brigadier Béchoux, me faire gober de semblables bourdes ! À d’autres, mon vieux ! »

Béchoux, le brigadier Béchoux, s’était planté en face de Raoul d’Avenac, les bras toujours croisés et la physionomie gonflée d’une sainte indignation. À côté de lui, Bertrande s’était redressée, prête à défendre son mari. Catherine, assise et la tête basse, sans manifester aucun de ses sentiments, paraissait pleurer.

Raoul regarda Béchoux longuement avec une expression de mépris indicible, comme s’il pensait : « Mais je ne ferai donc jamais rien de cet imbécile ! » Puis il haussa les épaules et sortit.