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Et il se mit à sa toilette. Il eut encore, en se rasant, une seconde de défaillance en songeant que c’était peut-être la dernière fois qu’il regardait son visage.

Il but une nouvelle gorgée d’eau-de-vie, et acheva de s’habiller.

L’heure qui suivit fut difficile à passer. Il marchait de long en large en s’efforçant en effet d’immobiliser son âme. Lorsqu’il entendit frapper à sa porte, il faillit s’abattre sur le dos, tant la commotion fut violente. C’étaient ses témoins. — Déjà !

Ils étaient enveloppés de fourrures. Rival déclara, après avoir serré la main de son client :

— Il fait un froid de Sibérie. — Puis il demanda : — Ça va bien ?

— Oui, très bien.

— On est calme ?

— Très calme.

— Allons, ça ira. Avez-vous bu et mangé quelque chose ?

— Oui, je n’ai besoin de rien.

Boisrenard, pour la circonstance, portait une décoration étrangère, verte et jaune, que Duroy ne lui avait jamais vue.

Ils descendirent. Un monsieur les attendait dans le landau. Rival nomma : « Le docteur Le Brument. » Duroy lui serra la main en balbutiant : « Je vous remercie », puis il voulut prendre place sur la banquette du devant et il s’assit sur quelque chose de dur qui le fit relever comme si un ressort l’eût redressé. C’était la boîte aux pistolets.

Rival répétait : — Non ! Au fond le combattant et le médecin, au fond ! — Duroy finit par comprendre et il s’affaissa à côté du docteur.