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remit à songer. Il faisait triste dans cette cave, triste comme dans un tombeau. Le roulement lointain et sourd des voitures semblait un tremblement d’orage éloigné. Quelle heure pouvait-il être ? Les heures passaient là dedans comme elles doivent passer au fond des prisons, sans que rien les indique et que rien les marque, sauf les retours du geôlier portant les plats. Il attendit, longtemps, longtemps.

Puis tout d’un coup il entendit des pas, des voix, et Jacques Rival reparut, accompagné de Boisrenard. Il cria dès qu’il aperçut Duroy : — C’est arrangé !

L’autre crut l’affaire terminée par quelque lettre d’excuses ; son cœur bondit, et il balbutia : — Ah !… merci. — Le chroniqueur reprit : — Ce Langremont est très carré, il a accepté toutes nos conditions. Vingt-cinq pas, une balle au commandement en levant le pistolet. On a le bras beaucoup plus sûr ainsi qu’en l’abaissant. Tenez, Boisrenard, voyez ce que je vous disais.

Et prenant des armes il se mit à tirer en démontrant comment on conservait bien mieux la ligne en levant le bras.

Puis il dit : — Maintenant, allons déjeuner, il est midi passé.

Et ils se rendirent dans un restaurant voisin. Duroy ne parlait plus guère. Il mangea pour n’avoir pas l’air d’avoir peur, puis dans le jour il accompagna Boisrenard au journal et il fit sa besogne d’une façon distraite et machinale. On le trouva crâne.

Jacques Rival vint lui serrer la main vers le milieu de l’après-midi ; et il fut convenu que ses témoins le prendraient chez lui en landau, le lendemain à sept heures du matin, pour se rendre au bois du Vésinet où la rencontre aurait lieu.

Tout cela s’était fait inopinément, sans qu’il y prît