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construisent, leur habitude de domestiquer des animaux, et même parfois de faire des esclaves, nous sommes forcés d’admettre qu’elles ont droit à réclamer une place près de l’homme dans l’échelle de l’intelligence… »

Et il continua d’une voix monotone, s’arrêtant de temps en temps pour demander :

— Ce n’est pas assez ?

Elle faisait « non » de la tête ; et ayant cueilli, à la pointe d’un brin d’herbe arraché, une fourmi errante, elle s’amusait à la faire aller d’un bout à l’autre de cette tige, qu’elle renversait dès que la bête atteignait une des extrémités. Elle écoutait avec une attention concentrée et muette tous les détails surprenants sur la vie de ces frêles animaux, sur leurs installations souterraines, sur la manière dont elles élèvent, enferment et nourrissent des pucerons pour boire la liqueur sucrée qu’ils sécrètent, comme nous élevons des vaches en nos étables, sur leur coutume de domestiquer des petits insectes aveugles qui nettoient les fourmilières, et d’aller en guerre pour ramener des esclaves qui prendront soin des vainqueurs, avec tant de sollicitude que ceux-ci perdront même l’habitude de manger tout seuls.

Et peu à peu, comme si une tendresse mater-