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C’était une farce ! Voyons, répondez ! Ne me faites pas chercher comme ça !

Une horloge lointaine se mit à sonner. Il compta les coups : minuit. Il parcourait l’île depuis deux heures. Alors il pensa qu’elle était peut-être rentrée, et il revint très anxieux, faisant le tour par le pont.

Un domestique, endormi sur un fauteuil, attendait dans le vestibule.

Servigny, l’ayant réveillé, lui demanda :

— Y a-t-il longtemps que Mlle Yvette est revenue ? Je l’ai quittée au bout du pays parce que j’avais une visite à faire.

Et le valet répondit :

— Oh ! oui, monsieur le duc. Mademoiselle est rentrée avant dix heures.

Il gagna sa chambre et se mit au lit.

Il demeurait les yeux ouverts, sans pouvoir dormir. Ce baiser volé l’avait agité. Et il songeait. Que voulait-elle ? que pensait-elle ? que savait-elle ? Comme elle était jolie, enfiévrante !

Ses désirs, fatigués par la vie qu’il menait, par toutes les femmes obtenues, par toutes les amours explorées, se réveillaient devant cette enfant singulière, si fraîche, irritante et inexplicable.

Il entendit sonner une heure, puis deux heures.