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Ils touchèrent l’autre rivage et descendirent sous les grands arbres.

Une fraîcheur de terre humide flottait sous les branches hautes et touffues, qui paraissaient porter autant de rossignols que de feuilles.

Un piano lointain se mit à jouer une valse populaire.

Servigny avait pris le bras d’Yvette, et, tout doucement, il glissa la main derrière sa taille et la serra d’une pression douce.

— À quoi pensez-vous ? dit-il.

— Moi ? à rien. Je suis très heureuse !

— Alors vous ne m’aimez point ?

— Mais oui, Muscade, je vous aime, je vous aime beaucoup ; seulement, laissez-moi tranquille avec ça. Il fait trop beau pour écouter vos balivernes.

Il la serrait contre lui, bien qu’elle essayât, par petites secousses, de se dégager, et, à travers la flanelle moelleuse et douce au toucher, il sentait la tiédeur de sa chair. Il balbutia :

— Yvette ?

— Eh bien, quoi ?

— C’est que je vous aime, moi.

— Vous n’êtes pas sérieux, Muscade.

— Mais oui : voilà longtemps que je vous aime.