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qui fait se jeter la poule en face de la gueule du chien pour défendre ses petits, amenât une révolution, un bouleversement dans cette tête inerte, et mît en marche le mécanisme immobile de sa pensée.

Je me rappelai d’ailleurs tout de suite un exemple personnel. J’avais possédé, quelques années auparavant, une petite chienne de chasse si sotte que je n’en pouvais rien obtenir. Elle eut des petits et devint, du jour au lendemain, non pas intelligente, mais presque pareille à beaucoup de chiens peu développés.

À peine eus-je entrevu cette possibilité, que le désir grandit en moi de marier Berthe, non pas tant par amitié pour elle et pour ses pauvres parents que par curiosité scientifique. Qu’arriverait-il ? C’était là un singulier problème !

Je répondis donc au père :

— Vous avez peut-être raison… on peut essayer… Essayer… mais… mais… vous ne trouverez jamais un homme qui consente à cela.

Il prononça, à mi-voix :

— J’ai quelqu’un.

Je fus stupéfait. Je balbutiai : « Quelqu’un de propre ?… quelqu’un… de… votre monde ?… »

Il répondit : « Oui… parfaitement. »