Page:Maupassant - Yvette.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mohammed me prit. Il avait confiance en moi, ce brave, et je lui demeurai dévoué corps et âme pour ce choix, qui me fit autant de plaisir que la croix d’honneur, plus tard.

Donc nous partîmes le lendemain matin, dès l’aurore, tous les sept, rien que nous sept. Mes camarades étaient de ces bandits, de ces forbans qui, après avoir maraudé et vagabondé dans tous les pays possibles, finissent par prendre du service dans une légion étrangère quelconque. Notre armée d’Afrique était alors pleine de ces crapules, excellents soldats, mais peu scrupuleux.

Mohammed avait donné à porter à chacun de nous une dizaine de bouts de corde, longs d’un mètre environ. J’étais chargé, en outre, comme étant le plus jeune et le moins lourd, d’une grande corde entière, de cent mètres. Comme on lui demandait ce qu’il voulait faire avec toute cette ficelle, il répondit de son air sournois et placide :

— C’est pour la pêche à l’Arabe.

Et il clignait de l’œil avec malice, mouvement qu’il avait appris d’un vieux chasseur d’Afrique parisien.

Il marchait en tête de notre troupe, coiffé d’un