Page:Maupassant - Yvette.djvu/247

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il allait avec une gaieté dans l’œil, heureux de la joie universelle et de la tiédeur de l’air.

Il gagna les Champs-Élysées et continua de marcher, ranimé par les effluves de jeunesse qui passaient dans les brises.

Le ciel entier flambait ; et l’Arc de Triomphe découpait sa masse noire sur le fond éclatant de l’horizon, comme un géant debout dans un incendie. Quand il fut arrivé auprès du monstrueux monument, le vieux teneur de livres sentit qu’il avait faim, et il entra chez un marchand de vins pour dîner.

On lui servit devant la boutique, sur le trottoir, un pied de mouton poulette, une salade et des asperges ; et M. Leras fit le meilleur dîner qu’il eût fait depuis longtemps. Il arrosa son fromage de Brie d’une demi-bouteille de bordeaux fin ; puis il but une tasse de café, ce qui lui arrivait rarement, et ensuite un petit verre de fine champagne.

Quand il eut payé, il se sentit tout gaillard, tout guilleret, un peu troublé même. Et il se dit : « Voilà une bonne soirée. Je vais continuer ma promenade jusqu’à l’entrée du Bois de Boulogne. Ça me fera du bien. »

Il repartit. Un vieil air, que chantait autrefois