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sans voir la mort, sans comprendre que c’est la fin sans recommencement, le départ sans retour, l’adieu éternel à la terre, à la vie.

Elle fut disposée immédiatement à cette détermination extrême, avec la légèreté des âmes exaltées et jeunes.

Et elle songea au moyen qu’elle emploierait. Mais tous lui apparaissaient d’une exécution pénible et hasardeuse, et demandaient en outre une action violente qui lui répugnait.

Elle renonça bien vite au poignard et au revolver qui peuvent blesser seulement, estropier ou défigurer, et qui exigent une main exercée et sûre — à la corde qui est commune, suicide de pauvre, ridicule et laid — à l’eau parce qu’elle savait nager. Restait donc le poison, mais lequel ? Presque tous font souffrir et provoquent des vomissements. Elle ne voulait ni souffrir, ni vomir. Alors elle songea au chloroforme, ayant lu dans un fait divers comment avait fait une jeune femme pour s’asphyxier par ce procédé.

Et elle éprouva aussitôt une sorte de joie de sa résolution, un orgueil intime, une sensation de fierté. On verrait ce qu’elle était, ce qu’elle valait.

Elle rentra dans Bougival, et elle se rendit chez