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oubliant presque son chagrin pour ne se souvenir que de sa mission.

La marquise, stupéfaite, répéta encore une fois :

— Mais tu es folle… ne trouvant rien autre chose à dire.

Yvette reprit avec une énergie théâtrale :

— Non, maman, cet homme quittera la maison, ou c’est moi qui m’en irai, car je ne faiblirai pas.

— Et où iras-tu ?… Que feras-tu ?

— Je ne sais pas, peu m’importe… Je veux que nous soyons des honnêtes femmes.

Ce mot qui revenait, « honnêtes femmes », soulevait la marquise d’une fureur de fille et elle cria :

— Tais-toi ! je ne te permets pas de me parler comme ça. Je vaux autant qu’une autre, entends-tu ? Je suis une courtisane, c’est vrai, et j’en suis fière ; les honnêtes femmes ne me valent pas.

Yvette, atterrée, la regardait ; elle balbutia :

— Oh, maman !

Mais la marquise, s’exaltant, s’excitant :

— Eh bien ! oui, je suis une courtisane. Après ? Si je n’étais pas une courtisane, moi, tu serais aujourd’hui une cuisinière, toi, comme j’étais