Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

BERTHE. 257

laissai libre de choisir. Elle mangea l'assiette de crème.

En peu de temps je la rendis très gour- mande, si gourmande qu'elle semblait n'avoir plus en tête que l'idée ou plutôt que le désir de manger. Elle reconnaissait parfaitement les plats, tendait la main vers ceux qui lui plai- saient et s'en emparait avidement. Elle pleu- rait quand on les lui ôtait.

Je songeai alors à lui apprendre à venir dans la salle à manger au tintement de la cloche. Ce fut long; j'y parvins cependant. Il s'établit assurément, en son vague entende- ment, une corrélation entre le son et le goût, soit un rapport entre deux sens, un appel de l'un à l'autre, et, par conséquent, une sorte d'enchaînement d'idées — si on peut appeler idée cette espèce de trait d'union instinctif entre deux fonctions organiques.

Je poussai encore plus loin mon expérience et je lui appris — avec quelle peine ! — à reconnaître l'heure des repas sur le cadran de la pendule.

11 me fut impossible, pendant longtemps, d'appeler son attention sur les aiguilles, mais j'arrivai à lui faire remarquer la sonnerie. Le moyen employé fut simple : je supprimai la