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YVETTE.

quelque part, bien loin. Et si je trouve à me marier, tant mieux.

Sa mère la regardait de son œil noir, irrité. Elle répondit :

— Tu es folle. Tu vas me faire le plaisir de te lever et de venir déjeuner avec tout le monde.

— Non, maman. Il y a quelqu’un ici que je ne reverrai pas, tu me comprends. Je veux qu’il sorte, ou bien c’est moi qui sortirai. Tu choisiras entre lui et moi.

Elle s’était assise dans son lit, et elle haussait la voix, parlant comme on parle sur la scène, entrant enfin dans le drame qu’elle avait rêvé, oubliant presque son chagrin pour ne se souvenir que de sa mission.

La marquise, stupéfaite, répéta encore une fois :

— Mais tu es folle…, ne trouvant rien autre chose à dire.

Yvette reprit avec une énergie théâtrale :

— Non, maman, cet homme quittera la maison, ou c’est moi qui m’en irai, car je ne faiblirai pas.

— Et où iras-tu ?… Que feras-tu ?

— Je ne sais pas, peu m’importe… Je veux que nous soyons des honnêtes femmes.