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YVETTE.

voix, au-dessous d’elle, prononça : « Je t’aime ! »

Et elle n’entendit plus rien. Un étrange frisson lui avait passé sur le corps, et son esprit flottait dans un trouble affreux.

Un silence pesant, infini, qui semblait le silence éternel, planait sur le monde. Elle ne pouvait plus respirer, la poitrine oppressée par quelque chose d’inconnu et d’horrible. Un autre éclair enflamma l’espace, illumina un instant l’horizon, puis un autre presque aussitôt le suivit, puis d’autres encore.

Et la voix qu’elle avait entendue déjà, s’élevant plus forte, répétait : « Oh ! comme je t’aime ! comme je t’aime ! » Et Yvette la reconnaissait bien, cette voix-là, celle de sa mère.

Une large goutte d’eau tiède lui tomba sur le front, et une petite agitation presque imperceptible courut dans les feuilles, le frémissement de la pluie qui commence.

Puis une rumeur accourut venue de loin, une rumeur confuse, pareille au bruit du vent dans les branches ; c’était l’averse lourde s’abattant en nappe sur la terre, sur le fleuve, sur les arbres. En quelques instants, l’eau ruissela autour d’elle, la couvrant, l’éclabous-