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Vous avez d’abord échangé des regards. Puis vos poignées de main ont été un peu longues, plus étroites, avec des pressions timides d’abord puis significatives. Puis tu l’as embrassée, un soir, derrière une porte et elle t’a rendu ton baiser avec usure.

Tu es sorti pour te promener, ravi, léger, délirant. Tu étais pris. Quelques jours plus tard la chaîne était rivée. Une rude chaîne, mon pauvre ami.

D’abord l’âge de ta maîtresse constitue à lui tout seul un danger terrible. Les femmes, à ce point-là, cherchent leur dernière proie, le pain à mettre sur la planche pour les vieux jours. La planche est capitonnée. Tant mieux. Mais qu’importe ? Un vieux renard est plus retors qu’un jeune. Et puis songe que la chose à laquelle une femme consent le moins à renoncer, c’est l’amour. Elle retarde ce moment d’abdication le plus loin possible et, si elle le peut, jusqu’à la paralysie sénile. Moi, je voudrais qu’on condamnât la débauche des vieilles comme les détournements de mineures. Est-il plus coupable, en effet, de commencer trop tôt que de finir trop tard ? Dans les deux cas, on viole la nature.

Mon pauvre garçon, que je te plains ! Voici, n’est-ce pas, cinq ans que la chose dure. Oui, j’ai bien compris, elle était encore appétissante. Elle ne l’est plus. Cinq ans, à l’âge de la culbute ça compte pour cinquante. Tu l’as vue se détériorer de