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UNE LETTRE




Dans notre métier, on reçoit souvent des lettres ; il n’est point de chroniqueur qui n’ait communiqué au public quelque épître de ces correspondants inconnus.

Je vais imiter cet exemple.

Oh ! il en est de toute nature, de ces lettres. Les unes nous flattent, les autres nous lapident. Tantôt nous sommes le seul grand homme, le seul intelligent, le seul génie et le seul artiste de la presse contemporaine, et tantôt nous ne sommes plus qu’un vil monsieur, un drôle innommable, digne du bagne tout au plus. Il suffit, pour mériter ces éloges ou ces injures, d’avoir ou de n’avoir pas l’opinion d’un lecteur sur la question du divorce ou de l’impôt proportionnel. Il arrive souvent que sur le même sujet nous recevons en même temps les félicitations les plus chaudes ou les blâmes les plus virulents ; de sorte qu’il est bien difficile, en fin de compte, de se former une opinion sur soi-même.