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cien. L’idée plaît, et chacun chante.

Son tour venu, le père de la mariée cherche en sa tête de vieux couplets qu’il fredonnait autrefois, et peu à peu il les retrouve.

Ils font rire, on applaudit ; il continue, entonne le dernier ; puis, lorsqu’il a fini, son voisin le magistrat lui demande : « Où diable avez-vous trouvé cette chanson-là ? J’en connais les derniers vers. Il me semble même qu’ils sont liés à quelque grave circonstance de ma vie, mais je ne sais plus au juste ; je perds un peu la mémoire. »

Et, le lendemain, les nouveaux mariés partent pour leur voyage nuptial.

Cependant, l’obsession des souvenirs indécis, cette démangeaison constante de retrouver une chose qui vous échappe sans cesse, harcelait le père du jeune homme. Il fredonnait sans repos le refrain qu’avait chanté son ami, et ne retrouvait toujours pas d’où lui venaient ces vers qu’ils sentaient pourtant gravés depuis longtemps en sa tête, comme s’il avait eu un intérêt sérieux à ne les point oublier.

Deux ans encore se passent. Et voilà qu’un jour, en feuilletant de vieux papiers, il retrouve, copiées par lui, ces rimes qu’il a tant cherchées.

C’étaient les vers restés lisibles sur la