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même sans être leurs maris ? Nous vantons leurs toilettes, nous célébrons leur grâce, nous louons leur coquetterie !

Et vous prétendez, moralistes stupides, que tous ces frais soient dépensés en pure perte. Vous voulez que ces femmes donnent tous leurs soins, toute leur intelligence, tous leurs efforts à l’art de plaire, et cela pour rien ? Vous voulez qu’elles nous affolent d’amour sans jamais perdre leur sang-froid, sans jamais céder à nos obsessions, sans jamais tomber dans nos bras désespérément tendus ? Mais, brutes que vous êtes, ô prêcheurs de fidélité matrimoniale, alors il faut supprimer du monde la Parisienne telle que l’a faite la civilisation, et n’admettre que la femme du foyer, la femme toujours occupée des soins du ménage, toujours chez elle à laver les enfants, à compter le linge, et simplement vêtue et modeste comme une oie.

Ce serait plaisant, assurément, une société qui n’aurait point d’autres femmes !

Sortez de ce dilemme : la femme du monde a-t-elle, selon nos idées, reçu pour mission de plaire aux hommes ? Alors on ne peut prétendre qu’elle ne se brûle jamais à ce feu qu’elle allume sans cesse.