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histoire du vieux temps

Un regard échangé qu’il oublia bien vite.
Il s’était dit : « Elle est mignonne, la petite. »
Et cela lui sortit du cœur ; mais Dieu défend
De se jouer ainsi de l’amour d’une enfant !
Ah ! vous trouvez la femme insensible ; elle saute
De caprice en caprice ; allez, c’est votre faute.
Elle pourrait aimer, mais vous l’en empêchez ;
Le premier amour qui lui vient, vous l’arrachez !
Pauvre fille ! j’étais bien folle et bien crédule ;
Mais vous allez trouver cela fort ridicule,
Vous qui raillez l’amour… Longtemps je l’attendis !…
Comme il ne revint pas, j’épousai le marquis.
Mais je confesse que j’aurais préféré l’autre !
J’ai mis mon cœur à nu, découvrez-moi le vôtre
Maintenant.

le comte, souriant.

Maintenant. Ainsi, c’est une confession ?

la marquise.

Et vous n’obtiendrez pas mon absolution
Si vous raillez encor, méchant homme insensible.

le comte

C’était dans la Bretagne, à l’époque terrible
Qu’on nomme la Terreur. — Partout on se battait,
Moi, j’étais Vendéen ; je servais sous Stofflet.
Or, cela, dit, ici commence mon histoire.
On venait, ce jour-là, de repasser la Loire.
Nous étions demeurés, postés en partisans,
Quelques braves amis, quelques vieux paysans,