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musotte.

tauxet durs, nous autres hommes, sans le savoir et sans le vouloir.

musotte.

Ne dis pas cela. Je n’étais pas faite pour toi. J’étais un petit modèle ; toi, tu étais un artiste, et je n’ai jamais cru que tu me garderais. (Jean sanglote.) Non, va ! ne pleure pas ! Tu n’as rien à te reprocher ; tu as toujours été bon pour moi. C’est Dieu qui est méchant pour moi !

jean.

Musotte !

musotte.

Mais laisse-moi continuer. Je suis restée à Saint-Malo, le plus longtemps que j’ai pu, en cachant mon état… Puis, je suis revenue à Paris et, quelques mois après, le petit est né. Un enfant ! Quand j’ai compris ce qui m’arrivait, j’ai d’abord éprouvé de la peur… oui, de la peur… Puis, j’ai pensé qu’il était de ton sang, qu’il avait de ta vie, qu’il me resterait comme de toi ! On est bête, quand on n’est pas instruite ! on change d’idées comme s’il vous passait du vent dans l’esprit, et j’ai été contente tout à coup, j’ai été contente à la pensée que je l’élèverais, qu’il grandirait… qu’il m’appellerait maman… (Elle sanglote encore.) Il ne dira jamais maman, il ne m’embrassera jamais avec ses petits bras, puisque je vais le quitter, moi, et m’en aller, je ne sais pas où… là où tout le monde va ! Mon Dieu ! mon Dieu !


jean.

Calme-toi, ma petite Musotte. Est-ce que tu parles-