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SUR L’EAU. 7 qui servent de lits, la nuit venue ; j’endossai le veston de mer en peau de bête, je me coifFai d’une chaude casquette, puis je re- montai sur le pont. Déjà les amarres de poste avaient été larguées, et les deux hommes, halant sur la chaîne, amenaient le yacht à pic sur son ancre. Puis ils hissèrent la grande voile, qui s’éleva lentement avec une plainte monotone des pouhes et de la mâture. Elle montait large et pâle dans la nuit, cachant le ciel et les astres, agitée déjà par les souffles du vent. II nous arrivait sec et froid de la montagne invisible encore qu’on sentait chargée de neige. II était très faible, à peine éveillé, in- décis et intermittent. Maintenant, les hommes embarquaient l’ancre ; je pris la barre ; et le bateau, pareil à un grand fantôme, glissa sur l’eau tranquille. Pour sortir du port, il nous fallait louvoyer entre les tartanes et les goélettes ensom- meillées. Nous allions d’un quai à l’autre, doucement, traînant notre canot court et rond qui nous suivait comme un petit, à peine sorti de l’œuf, suit un cygne. Dès que nous fûmes dans la passe, entre la jetée et le fort carré, le yacht, plus ardent,