Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-ce qu’une femme vous appartient jamais ? Savez-vous ce qu’elle pense, même si elle vous adore ? Baisez sa chair, pâmez-vous sur ses lèvres. Un mot sorti de votre bouche ou de la sienne, un seul mot suffira pour mettre entre vous une implacable haine !

Tous les sentiments affectueux perdent leur charme, s’ils deviennent autoritaires. De ce qu’il me plaît de voir quelqu’un et de lui parler, s’ensuit-il qu’il me soit permis de savoir ce qu’il fait et ce qu’il aime ?

L’agitation des villes grandes et petites de tous les groupes de la société, la curiosité méchante, envieuse, médisante, calomniatrice, le souci incessant des relations, des affections d’autrui des commérages et des scandales, ne viennent-ils pas de cette prétention que nous avons de contrôler la conduite des autres, comme si tous nous appartenaient à des degrés différents. Et nous nous imaginons en effet que nous avons des droits sur eux, sur leur vie, car nous la voulons réglée selon la nôtre, sur leurs pensées, car