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si puissamment que tous leurs dessous soient devinés rien qu’à les voir ; les faire agir de telle sorte qu’on dévoile au lecteur, par les actes seulement, tout le mécanisme de leurs intentions, sans entreprendre en eux un voyage géographique avec la carte des désirs et des sentiments, ne serait-ce pas là faire du vrai roman, dans la stricte et, en même temps, la plus grande acception du mot ?

Je vais plus loin. Je considère que le romancier n’a jamais le droit de qualifier un personnage, de déterminer son caractère par des motifs explicatifs. Il doit me le montrer tel qu’il est et non me le dire. Je n’ai pas besoin de détails psychologiques. Je veux des faits, rien que des faits, et je tirerai les conclusions tout seul.

Quand on me dit : « Raoul était un misérable », je ne m’émeus point, mais je tressaille si je vois ce Raoul se conduire comme un misérable.

Chez le romancier, le philosophe doit être voilé.