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vides comme l’Odéon un jour de première, y parviennent presque toujours. Leur prose coule, coule, incolore, insipide, sans mordre l’esprit, sans secouer la pensée, sans troubler les nerfs. On appelle cela être correct.

Mais celle des autres est compliquée, machinée, criblée d’intentions, hérissée de procédés, semée de nuances. Tout y est voulu, médité, préparé. Chaque adjectif a des lointains et chaque verbe un son qui doit s’accorder avec l’idée qu’il exprime. En une page, jamais deux fois la même allure de phrase ne doit se reproduire, jamais deux mots pareils, jamais deux consonances ne se doivent rencontrer à cent lignes de distance, et il doit exister même dans le retour des lettres initiales des mots, une certaine symétrie mystérieuse qui concourt à l’harmonie de l’ensemble.

Un des plus curieux, et des plus originaux, et des plus puissants parmi ces écrivains, est assurément Léon Cladel.

Jadis, dans une remarquable petite revue, la République des Lettres ; que dirigeait Catulle Mendès, parut un étrange roman de ce précieux jongleur ; titre : Ompdrailles ou le Tombeau des Lutteurs.