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la bonne Joséphine, un matin, comme il finissait sa toilette.

Sa première émotion fut celle du condamné à mort à qui on annonce sa peine commuée ; et il sentit immédiatement sa souffrance adoucie un peu par la pensée de ce départ et de cette vie calme, toujours bercée par l’eau qui roule, toujours errante, toujours fuyante.

Il vivait maintenant dans la maison paternelle en étranger muet et réservé. Depuis le soir où il avait laissé s’échapper devant son frère l’infâme secret découvert par lui, il sentait qu’il avait brisé les dernières attaches avec les siens. Un remords le harcelait d’avoir dit cette chose à Jean. Il se jugeait odieux, malpropre, méchant, et cependant il était soulagé d’avoir parlé.

Jamais il ne rencontrait plus le regard de sa mère ou le regard de son frère. Leurs yeux pour s’éviter avaient pris une mobilité surprenante et des ruses d’ennemis qui redoutent de se croiser. Toujours il se demandait : « Qu’a-