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gièrent promptement dans une cavité de la grotte pour éviter, disaient-ils, les pierres que la bête lançait à ceux qui la troublaient.

Et soudain le clouf d’un énorme plongeon fit vibrer l’air calme de la caverne ; l’écume rejaillit jusqu’à la voûte et j’aperçus distinctement un gros corps noir et allongé qui filait sous l’eau vers la sortie. C’était l’habitant de ce lieu, le phoque lui-même qui nous cédait la place.

De retour à Ajaccio, on me raconta que souvent ces animaux allaient jusqu’aux vignes qui bordent la mer, pour y manger du raisin. J’en doute un peu cependant et je ne me figure pas bien un phoque un peu pochard dansant un cancan sur la berge. On m’a affirmé aussi qu’ils lançaient toujours des pierres à ceux qui les surprenaient. C’est possible à la rigueur. Voici comment : La bête, en s’enfuyant, rame pour marcher comme pour nager avec ses puissantes nageoires, et si une pierre est rencontrée par ces membranes qu’elle agite désespérément, elle se trouvera sans doute lancée en arrière avec violence justement vers la personne devant qui se sauve l’animal.

Cette explication, d’ailleurs, que je donne sous toutes réserves, aurait besoin d’être soumise à M. le professeur d’anatomie comparée du Muséum.

MAUFRIGNEUSE.