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plonge les mains, la poussière morte de tout ce que j’ai adoré sur la terre.

Et je sanglote sur la bottine, la fine bottine de satin, jaune aujourd’hui, mais qui fut blanche, et que je pris à son pied, dans le jardin, ce soir-là, pour l’empêcher de rentrer au bal.

Je baise les gants, les cheveux blonds ou noirs, ses trois jarretières de soie et le mouchoir de dentelle maculé de sang, de ce sang qui semble une pâle tache de rouille et dont, un jour, je conterai l’histoire.

Mais ce n’est point de tout cela que je prétends vous parler. J’ai voulu seulement prouver qu’on avait eu pour moi bien des… faiblesses — quoique je sois le plus timide, le plus indécis, le plus hésitant des hommes.

Je suis si timide que jamais, peut-être, je n’aurais osé… ce que vous savez, si les femmes n’avaient osé pour moi. Et j’ai compris depuis, en y songeant, que neuf fois sur dix c’est l’homme qui est séduit, capté, accaparé, enlacé de liens terribles, lui le séducteur que vous flétrissez. Il est la proie, la femme est le chasseur.

Un tout récent procès, jugé en Angleterre, m’a jeté soudain dans l’esprit un éclair de vérité.

Une fille, une demoiselle de comptoir, avait été ce que vous appelez séduite par un jeune officier de marine. Elle n’était plus dans sa prime fraîcheur, elle avait aimé déjà. Au bout de quelque temps elle fut