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les chagrins des autres transperçaient depuis quelque temps comme des blessures faites à elle-même, lui jeta ses bras sur le cou et, gagnée aussi par les larmes, elle murmura :

— Pauvre petite, pauvre petite !

L’enfant pleurait toujours, prosternée, la tête cachée et, de ses mains tombées à terre, elle arrachait l’herbe d’un geste inconscient.

Brétigny s’était levé pour ne pas paraître avoir vu, mais cette misère de fillette, cette détresse d’innocente l’emplirent brusquement d’indignation contre Gontran. Lui, que l’angoisse profonde de Christiane exaspérait, fut touché jusqu’au fond du cœur par cette première désillusion de gamine.

Il revint et, s’agenouillant à son tour pour lui parler :

— Voyons, calmez-vous, je vous en supplie. Ils vont remonter, calmez-vous. Il ne faut pas qu’on vous voie pleurer.

Elle se redressa effarée par cette idée que sa sœur pourrait la retrouver avec des larmes dans les yeux. Sa gorge restait pleine de sanglots qu’elle retenait, qu’elle dévorait, qui rentraient en son cœur pour le rendre plus gros de peine. Elle balbutiait :

— Oui… oui… c’est fini… ce n’est rien… c’est fini… Tenez… on ne voit plus… n’est-ce pas ?… on ne voit plus.