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galanterie enjouée et naturelle qui devait les conduire au sentiment.

Ils se voyaient presque chaque jour, car les fillettes s’étaient prises pour Christiane d’une excessive amitié, où entrait sans doute beaucoup de vanité flattée. Gontran, tout à coup, ne quitta plus sa sœur ; et il se mit à organiser des parties pour le matin et des jeux pour le soir, dont s’étonnèrent beaucoup Christiane et Paul. Puis on s’aperçut qu’il s’occupait de Charlotte ; il la taquinait avec gaieté, la complimentait sans en avoir l’air, lui montrait ces mille attentions légères qui nouent entre deux êtres des liens de tendresse. La jeune fille, accoutumée déjà aux manières libres et familières de ce gamin du monde parisien, ne remarqua rien d’abord, et se laissant aller à sa nature confiante et droite elle se mit à rire et à jouer avec lui, comme elle eût fait avec un frère.

Or elle rentrait avec sa sœur aînée, après une soirée à l’hôtel, où Gontran, plusieurs fois, avait essayé de l’embrasser à la suite de gages donnés dans une partie de pigeon-vole, quand Louise, qui semblait soucieuse et nerveuse depuis quelque temps, lui dit, d’un ton brusque :

— Tu ferais bien de veiller un peu à ta tenue. M. Gontran n’est pas convenable avec toi.