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— Il m’arrive, mon cher monsieur, une aventure fort désagréable, dont je dois vous rendre compte pour vous expliquer ma conduite. Quand vous m’avez fait l’honneur de m’appeler auprès de Madame votre femme, je suis accouru à l’heure même ; or, il paraît que, quelques minutes avant moi, mon confrère, M. le médecin-inspecteur, qui inspire sans doute plus de confiance à Mme Andermatt, avait été mandé par les soins de M. le marquis de Ravenel. Il en est résulté que, venu le second, j’ai l’air d’avoir enlevé par ruse à M. le docteur Bonnefille une cliente qui lui appartenait déjà, j’ai l’air d’avoir commis un acte indélicat, malséant, inqualifiable de confrère à confrère. Or, il nous faut apporter, monsieur, dans l’exercice de notre art, des précautions et un tact excessifs pour éviter tous les froissements, qui peuvent avoir de graves conséquences. M. le docteur Bonnenlle, instruit de ma visite ici, me croyant coupable de cette indélicatesse, les apparences étant, en effet, contre moi, en a parlé en termes tels que, n’était son âge, je me serais vu forcé de lui demander raison. Il ne me reste qu’une chose à faire, pour m’innocenter à ses yeux et aux yeux de tout le corps médical de la contrée, c’est de cesser, à mon grand chagrin, de donner mes soins à votre