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d’un grand bain de bonheur où elle se plongeait corps et âme.

Andermatt, qui devait passer à Enval une quinzaine sur deux, était reparti pour Paris en recommandant à sa femme de bien veiller à ce que le paralytique ne cessât point son traitement.

Chaque jour donc, avant le déjeuner, Christiane, son père, son frère et Paul allaient voir ce que Gontran appelait « la soupe du pauvre ». D’autres baigneurs y venaient aussi et on faisait cercle autour du trou en causant avec le vagabond.

Il ne marchait pas mieux, affirmait-il, mais il se sentait les jambes pleines de fourmis ; et il racontait comment ces fourmis allaient, venaient, montaient jusqu’aux cuisses, redescendaient jusqu’au bout des doigts. Et il les sentait même la nuit, ces bêtes chatouilleuses qui le piquaient et lui ôtaient le sommeil.

Tous les étrangers et les paysans, partagés en deux camps, celui des confiants et celui des incrédules, s’intéressaient à cette cure.

Après le déjeuner, Christiane allait souvent chercher les petites Oriol, afin de faire ensemble une promenade. C’étaient les seules femmes de la station avec qui elle pût causer, avec qui elle pût avoir des relations agréables, à qui elle pût donner un peu de